Pour un anniversaire heureux, il faut mieux quelquefois les mots d'une autre !
Dîtes-le avec des fleurs et avec du mimosa de préférence
Joyeux anniversaire avec ces quelques lignes d'une écrivaine et historienne amoureuse de sa Bretagne natale.
« Au cours élémentaire, la maîtresse nous faisait voir notre situation excentrique, tout à gauche de la carte. Surtout pas « à gauche », disait-elle, il faut dire « à l’Ouest ». Je me représentais alors la Bretagne comme une barque. Cette barque, sans doute, s’était embourbée du côté de ses compactes marches orientales. Mais j’imaginais quelque accident sismique, un raz-de marée qui permettrait à la nacelle bretonne de larguer ses amarres, vers plus d’Ouest encore. Rêve enfantin : je le poursuis aujourd’hui dans le train de Montparnasse, entre Laval et Vitré, en guettant les signes qui, en dépit de la continuité du bocage, attestent qu’on entre en Bretagne : maisons basses, décrochement spasmodique des pignons, bleu des ardoises, blanc des crépis, argent du granit que le lichen fleurit. Au printemps, sur les talus, les « bouquets de lait » (en breton, les primevères). En automne, la bruyère. En toutes saisons, le vent d’Ouest, ce « juge du temps », dont les souffles vifs annoncent une mer proche, quoiqu’invisible. C’est une autre terre : la pragmatique Bretagne d’aujourd’hui arbore la fierté d’avoir su, sabots joints, sauter dans la modernité. Pourtant l’irrationnel s’y mêle toujours à l’existence quotidienne. Ici, comme l’a écrit Charles Le Quintrec, « Dieu vient chaque jour boire un verre en voisin ». Elle a beau n’être pas devenue l’île de mes fantasmes d’autrefois, pour accoster on doit rompre une amarre intérieure, prendre peu ou prou la mer. »
Mona Annig Sohier (mari Jacques OZOUF)